La tête dans les étoiles

La tête dans les étoiles

Texte et photos : Matthieu Tober

 

“Ça lui a pris comme une envie de pisser…” lâche un de mes collègues durant la pause café. Quelques minutes auparavant, j’expliquais ce que je comptais faire de mon vendredi soir : Dormir dehors, en pleine nature. L’assemblée présente rigole tout en me dévisageant, le café vient de de terminer de couler et je récupère ma tasse, tourne les talons et garde la tête haute en marchant vers mon bureau. Oui, cette envie m’est arrivée subitement et je suis surtout surpris qu’elle ne tente pas plus de personne.

Paris est une ville que j’affectionne particulièrement mais il me reste cet attachement pour la nature, ce petit fond d’eau salée et de nature qui me vient de ma famille. Entre la mer de la Bretagne et les champs du Nord, je garde toujours cette idée que la nature peut apporter plus qu’on ne peut l’imaginer. Dormir à la belle étoile n’est vraiment pas une idée folle, même quand on habite à Paris. La nature nous entoure et en suivant les bonnes règles de respect de l’environnement et en prenant quelques RER et Transilien, on peut très vite se retrouver dans un tout autre décor. 

Une fois rentré chez moi, j’attrape mon sac, y jette un duvet et deux-trois affaires pour passer la nuit. Hors de question de planter une tente ou bien de faire un feu, l’idée est d’aller me blottir sagement dans le creux d’une forêt, d’y écouter les sons et d’en respirer toutes les odeurs. Pour ceux qui me connaissent, loin de moi l’idée d’y aller seul, je garde les séquelles d’une enfance à avoir la frousse du noir et descendre à la cave ou monter dans un grenier relevé et relève parfois d’un exploit… C’est encore et toujours avec Yann que nous organisons cette virée sauvage. Juste avant de partir, je reçois un SMS amusant : “Ma fille veut venir, elle adore l’idée ! Ça te dérange pas ?”. Quelle question…

On ne peut pas éteindre les étoiles. 
Après avoir marcher quelques temps, nous sommes à la recherche du meilleur spot. Les consignes sont simples mais précises, il nous faut de quoi accrocher 3 hamacs et un endroit avec une vue assez dégagé pour profiter des étoiles. On avance, on hésite, on s’imagine installé comme si on se parlait d’un appartement pour l’année alors qu’il s’agit que de quelques heures de sommeil. Après un court débat, nous validons l’emplacement et posons les sacs. Yann ne plaisante pas avec la nature, pour lui dormir à la belle étoile signifie se fondre dans le décors sans en modifier la couleur, alors hors de question de casser la moindre branche, de balayer le moindre sol ou bien de planter, clouer, ou fixer le moindre truc.

Les hamacs Ticket to the Moon enlace les troncs des arbres pour nous offrir un confort unique. C’est d’ailleurs une première fois pour moi dans un hamac et je ne fais pas forcément le mec super à l’aise, c’est à dire que j’en ai vu des vidéos de fail autour du hamac… On se pose sur un rocher pour simplement contempler ce Netflix à ciel ouvert. Les lumières se font de plus en plus douce pour finir par laisser place à un tapis d’étoiles. On s’ouvre une bière pour célébrer ce moment ordinaire mais qui a une résonance de micro-aventure. Rose, la fille de Yann ne cache pas son excitation et couvre le bruit du vent dans les branches mais son bonheur d’être simplement “là” est agréable à ressentir.

On discute de tout, on refait le monde tout en mangeant le bout de fromage qui accompagne nos breuvages et c’est tout naturellement que nous éteignons les lampes pour nous glisser dans nos couchages. Je me pose 1000 questions sur ce que va être cette nuit. Va-t-on bien dormir ? Est-ce que je vais mettre du temps à m’endormir ? Et s’il pleut, comment on fait ? Puis mon esprit divague, je pense que je suis doucement en train de glisser dans le sommeil mais mon esprit s’attarde sur l’idée de ces hommes et femmes qui aujourd’hui où par le passé passent des nuits en pleine nature.

Jack London dans les forêts glacées ou sur les rails entre le Missouri et Washington ou bien Sylvain Tesson dans ces endroits magiques de Sibérie… J'évalue mes chances de finir sur le sol en un mouvement mais très vite je comprends que tout va bien se passer. Mes yeux se ferment, je ne vois plus les étoiles mais je continue de percevoir la bande-son de cette forêt, un délicieux mélange entre l’effrayant, l’intriguant et le réconfortant. 


 

Retour à la réalité. 
Vous raconter que j’ai faits une grasse matinée serait vraiment scénariser ce récit mais pour Rose, je ne peux rien inventer. Confortablement installée, elle n’a ouvert l’oeil qu’une fois le café prêt. Habile. Je ne cesse de le dire et de le répéter à chaque fois, mais un café en pleine nature, aussi industriel puisse-t-il être, n’a pas la même saveur. Le froid transforme ce moment de réveil en un souvenir unique. On profite du soleil qui lui aussi se lève et vient doucement réchauffer le campement. Il ne nous reste plus qu’à ranger et faire attention de ne rien oublier.  On reprend nos sacs et repartons sur nos pas de la veille pour revenir à la réalité, celle d’un RER et d’un Paris bouillonnant.

 

L’été approche et il est évident qu’après un début d’année très étrange nous aurons tous envie d’aller dehors et de profiter de tout cela. Je conseille tout de même  à tout le monde de vivre ce genre d’expérience tout en respectant les indications et les consignes émises par les services forestiers ou par les municipalités. Même si on considère que fixer des règles pour ce genre de pratique et une manière de nous retirer la liberté de vivre des aventures, il n’en demeure pas moins que c’est grâce à ces limites et ces principes que l’on peut encore voir des forêts aussi majestueuses, riches et diverses en France.