Voyage au bout de la ligne

Voyage au bout de la ligne

Le 8 juin dernier, Julien, est parti de Bray-Dunes au matin pour longer le littoral français jusqu'à la Baie de Chingoudy, près de Hendaye. Il part à pied pour découvrir toutes les richesses des régions qu’il va traverser, et pêcher tout au long de son périple. Même s'il s’autorise à pêcher de temps en temps en rivière, notamment la truite en Normandie, le projet a été construit autour du Bar, que l’on trouve tout le long du littoral français, et qui change de nom selon les régions : le loup de mer, la louvine…

Julien à 30 ans, il est originaire d’Angers, et c’est son grand-père apiculteur, l’a initié à la pêche pendant son enfance, passée à la campagne. Savoir ce qu’il y a sous l’eau, c’est ce qu’il l’a attiré, il a été inspiré aussi par les livres de Tesson et de Kerouac qu’ils l’ont aidé à se lancer, à faire le premier pas.

3 jours avant le grand départ, nous avons bu un café au bord du canal st-Martin, où j’ai pu lui poser quelques questions :

Comment as-tu découvert et appris les techniques de pêche ?
C’est mon grand-père qui m’a donné le goût de la pêche, on y allait pour ramener quelque chose à manger, et passer un moment dans la nature en bord de rivière, c’était vraiment ce que j’aimais. Après quelques années ou j’ai travaillé comme manager de boutique à Toulouse, je me suis remis à pêcher à Hossegor. Il a fallu que je réapprendre complètement la pêche en bord de mer et ses techniques. Et puis j’ai découvert le bar, un poisson noble qui se mérite.

Au début, c'était un loisir, mais c’est au fil des années que c’est devenu une passion. J’ai eu envie de comprendre les comportements du poisson, selon les courants, la typologie du terrain, c’est comme un cache-cache avec lui. Il faut bien le connaître, analyser et anticiper pour avoir de la réussite. Mais aussi un peu de chance…

Aujourd’hui, je prends le temps de comprendre le cours d’eau avant de jeter la ligne et toute cette observation m’a fait encore plus aimer la pêche. Je suis autodidacte, j’ai appris surtout à travers les livres, mais aussi grâce aux vidéos que l’on trouve aujourd'hui. Mais c’est l'expérience qui reste essentielle et ça se fait petit à petit, en apprenant de ses erreurs. Je note tout sur un carnet et ça me permet d’établir des schémas et d’accumuler des connaissances. 


Depuis une dizaine d’années, on entend de plus en plus parler de « No Kill », peux-tu nous expliquer ce qui te pousse à relâcher les poissons et pourquoi, c’est important selon toi aujourd’hui ?
Le no kill, c’est venu avec le temps. Avec mon grand-père, on pêchait pour manger avec cette fierté de ramener une belle prise. Pour moi, le poisson est magnifique dans son élément, le voir nager, ses reflets, son aisance me fascine, donc c’était logique pour moi de lui rendre sa liberté. J’ai pris aussi conscience des ressources halieutiques et qu’il fallait être attentif si on voulait pouvoir pêcher pendant encore longtemps. Je vois la différence dans des rivières que je connais depuis mon enfance, entre la pollution agricole et la pêche, le nombre de poissons a nettement diminué. J’ai été inspiré par Philippe Garcia, un protecteur des ressources animales, notamment le Bar, qui pourrait disparaître dans les 5 prochaines années. Moi, j’ai connu ce poisson et j’aimerais bien que mes enfants puissent avoir le même plaisir que j’ai à le pêcher. En plus, je n'aime pas trop le goût du poisson… Et je n'aime pas tuer les animaux. La truite par exemple, est tellement plus belle quand elle est vivante. Je vois le poisson comme un partenaire de jeu et si je veux pouvoir jouer longtemps, il faut que le relâche. Donc quand je prends un poisson, je le manipule le moins possible, je le maintiens à l’eau grâce à une épuisette et je le relâche le plus vite possible.

Est-ce que tu peux nous expliquer ton projet de voyage ? 
Je pars demain matin de Bray-Dunes, c’est la frontière franco-belge, pour rejoindre la frontière espagnole dans 6 mois. Je pense arriver en Bretagne en août, que je connais le moins. Mais je n’ai pas envie de tout prévoir, j’envie de me laisser porter par l’aventure, et profiter de ce temps inespéré. Je veux pouvoir improviser et me laisser le temps d’attendre la marée basse par exemple si le coin me plaît. Je vais aussi croiser un tatoueur qui sur mon chemin qui va peut-être me faire un Bar. J’ai aussi des amis qui viennent des Pyrénées le temps d’une semaine pour découvrir une région qu'ils ne connaissent pas.  

J’ai toujours eu du mal à me lancer, mais c’est le livre de Tesson sur les chemins noirs qui m’a inspiré et son expérience m’a donné envie de partir à pied, mais de le conjuguer avec le plaisir de la pêche. Je vais emprunter plusieurs GR et des sentiers côtiers, j'espère éviter les grandes villes et profiter des paysages unique que l’on a en France. Je me donne 6 mois pour faire le chemin en me donnant la possibilité de prendre du temps sur des endroits qui me séduisent, je prévois de marcher entre 20 et 30 kilomètres par jour, en dormant au maximum dehors. Je vais de temps à autre faire des pauses chez des gens qui m’ont contacté via Instagram et qui ont aimé le projet. Parfois, ils me proposent de m'héberger sur le chemin ou de me faire découvrir leur coin de pêche. Ce projet, c’est aussi l’envie d’aller vers les autres et de découvrir d’autres façons de pêcher en mer et de rencontrer d’autres passionnés

Je vais essayer de pêcher tous les jours, mais il faut aussi compter sur les marées, et bien faire attention à la sécurité, car la pêche en bord de mer peut être dangereuse, je l’ai appris à mes dépens en tombant à l’eau une fois au milieu des rochers. Je ne faisais pas le malin…


En plus de tout ton matériel de rando classique, tu emportes quoi ?
Niveau matériel, j’ai deux marques françaises qui m’aident dans ce projet, Sakura et Pafex, et Big Fish, trois belles marques.

Je pars avec 3 cannes différentes, 2 moulinets et pas mal de leurs différents pour pouvoir m’adapter. Chaque leur a un poid différent selon la profondeur à laquelle on veut pêcher. Le Bar va s’alimenter différemment selon les saisons, les marées, donc on doit s’adapter. Il peut être en profondeur donc je dois choisir, un leur plus lourd, ou il peut être entre deux eaux. Mais ce que je préfère, c’est la pêche de surface, car on voit le poisson fondre sur l'appât qui flotte et c’est incroyable à voir, il surgit en sautant, comme une boîte à surprise qui explose d’un seul coup. 

On peut aussi le pêcher à la mouche, mais je n'ai pas assez d'expérience avec cette technique qui demande beaucoup de pratique.


Tu as besoin d’un permis pour pêcher ?
En mer, il n'y a pas de permis, il y a des règles concernant la maille (la taille) du poisson et des techniques à ne pas utiliser. Mais avoir un permis, selon moi, c’est responsabilisant et ça obligerait les gens à ne pas faire n’importe quoi. 


Tes conseils pour un débutant ?
Un petit lancer pour pêcher à la cuillère dans les rivières ou si vous avez envie de pêcher en mer, de faire du rock fishing avec des appâts en formes d’insectes ou de larves. Ce n'est pas simple de s’y mettre, car pêcher en mer, c’est comme chercher une aiguille dans une botte foin : on va chercher prendre du poisson dans une étendue vaste avec un appât de quelques centimètres, ça peut être décourageant parfois. 


La phase de préparation et de repérage d’un bon spot a l’air primordiale…
La préparation m’excite beaucoup, surtout l’approche d’un nouveau spot, les marches pour aller au bord d’un lac de montagne ou traverser des forêt pour rejoindre la côte. Le côté exploration est très motivant. Observer le terrain, l’analyser et savoir à quelques moments, j’ai plus de chance d’attraper un poisson. Mais une fois le spot bien repéré ce n’est pas tout, il faut ensuite bien choisir le type de leur qui convient. C’est un casse-tête, une recherche, une analyse et comprendre son comportement. Parfois, c'est un peu frustrant quand je mets d'heures à rejoindre un spot magnifique, mais que je ne pêche rien, mais je ne me décourage pas, je recommence, car c’est quand même une finalité d’attraper le poisson, un accomplissement. 


Vous pouvez suivre le voyage de Julien et pourquoi pas aller à sa rencontre, grâce à son compte instagram @jullient_ et son site  : https://duffauxjulien.wixsite.com/monsite